Les palissades du théâtre : décryptage d’une communication en trompe l’œil
Nous avons tous vu apparaître il y a quelques mois des palissades devant le théâtre, en vue des travaux qui sont censés s’y dérouler. Je vous propose un petit décryptage personnel des visuels de communication qui y ont été mis en place.
Voici pour ceux qui ne seraient pas passé devant récemment, une vue d’ensemble du dispositif en façade, avant d’entrer dans le détail.

Un grand classique pour commencer : avant/après
(Le panneau se trouve sur côté du théâtre, face au parc).

En 1986, date de la construction du théâtre, les photos étaient comme on peut le voir de mauvaise qualité, dans les tonalités sépia, il n’y avait pas de feuilles aux arbres, le ciel était gris, et le sol mouillé : il venait de pleuvoir. Une personne s’abritait comme elle pouvait sous le porche d’entrée. C’était triste. L’hiver quoi.
Après, c’est-à-dire en 2025, depuis la rénovation de la façade, tout va beaucoup mieux : on fait des photos de bien meilleure qualité, colorées, les arbres ont des feuilles, le ciel est bleu, le sol est enfin sec. Il y a même un vélo accroché à la grille du théâtre. C’est gai. L’été quoi. Comme quoi un ravalement de façade peut faire des miracles. Ce n’est pas dit, mais ça se voit bien.
Vous avez dit « patience » ?

« Patience. Une transition nécessaire pour bâtir un espace culture pérenne et ambitieux » C’est joliment dit, ça n’engage à rien, et c’est le seul indice qui nous est donné concernant la date de réouverture du théâtre. Pourquoi n’est-elle pas annoncée ? Par prudence ? Parce que la date annoncée par les aménageurs, à savoir la saison 28-29 est trop lointaine et pourrait impatienter les fontenaisiens ? Pour info, le théâtre et le cinéma ne sont plus en activité depuis Novembre 2024. S’en est suivi un long déménagement (on comprend que vider un théâtre ne soit pas une mince affaire) qui s’est terminé en Février 2025. Mais à la date où j’écris ces lignes, (14 Novembre 25) le désamiantage, préalable obligé aux travaux, n’a pas encore commencé. Autant dire qu’en effet, les fontenaisiens vont devoir s’armer de beaucoup de patience. Les paris sont ouverts pour la date de réouverture…
Un chef d’œuvre de communication en deux temps :
Premier temps, sur le panneau signé Laurent Vastel on peut lire derrière les poubelles : « politique culturelle résolument accessible à tous » ; un peu plus bas : « promotion des arts au bénéfice de tous les fontenaisiens », : et enfin « une offre artistique de qualité qui se veut fédératrice. » Le message est on ne peut plus explicite : le théâtre sera largement ouvert à toute la population de la ville. C’est le maire qui le dit et le répète. Super.

Mais voici le second temps : au centre du dispositif, se trouvent quatre panneaux de deux mètres par deux, de loin les plus visibles, qui, en deux images, montrent, de manière un peu idéalisée, à quoi ressemblera le foyer du théâtre, qui restera à l’étage (donc toujours aussi peu accessible que par le passé) : « un espace bar et spectacle convivial et chaleureux ». Regardons ces deux images de près. On constate d’abord que pour l’essentiel, le bar ne changera pas : les seules modifications sont le comptoir, le mobilier et le sol. Ça sera sobre et moche, vaguement cosy. Mais l’essentiel me semble être ailleurs : dans les personnes représentées. On nous montre en effet exclusivement des jeunes femmes élégantes, en robe ou en jupes, avec des chaussures à talons, les jambes croisées, le dos bien droit, les cheveux longs et bien coiffées, et des jeunes hommes en veste ou en chemise bien repassée, avec pull sur les épaules, impeccablement coiffés eux aussi, le tout sur fond de concert de jazz intimiste. Le personnel porte des tabliers comme dans les bars à vin.


Voilà donc, pour la municipalité, à quoi ressemblent « tous les fontenaisiens » auxquels s’adresse la programmation d’un théâtre «accessible à tous ». On voit ce qu’est supposé être un lieu « de rencontre et d’épanouissement ». Il nous est dit très explicitement à travers ces images, mais sans un mot, que n’accèderont au foyer du théâtre après les représentations qu’un petit nombre de personnes (une quinzaine), des jeunes adultes, minces, souriants, habillés avec grand soin. On pourra y boire du vin et du champagne (peut-être même des alcools si on en croit les étagères du bar) en écoutant distraitement un air de jazz. A titre personnel, il est clair que je n’y aurai pas ma place : j’ai soixante ans, je n’aime pas tellement le jazz, je n’ai pas de costume, et je me coupe les cheveux moi-même.
Quand au message adressé à celles et ceux qui n’osent pas franchir les portes des lieux culturels parce qu’ils ont le sentiment que ce n’est pas fait pour eux, il est catastrophique.
On m’objectera à juste titre que ces illustrations ne sont que des « vues d’artiste », fournies par une agence de communication. On dira également que le maitre d’œuvre n’est pas la ville mais le territoire. Certes, mais des éléments aussi visibles de communication n’ont pas pu être, sauf énorme manque de vigilance, installés et destinés à rester en place plusieurs années sans l’aval de la mairie. On voit bien à quel public le logo « Fontenay ville d’artistes » rêve de s’adresser.
Le visuel de la future salle ?
Me voici fort intrigué enfin par la couleur des murs de la future salle de spectacle : apparemment en bois clair. La salle décline ainsi les deux couleurs des grilles extérieures, « bleu nuit et champagne » (sic). C’est chic et de bon goût. Mais gros problème technique : on ne peut pas faire le noir dans une salle dont les murs sont clairs, et renvoient de ce fait toute la lumière des projecteurs braqués sur le plateau. C’est une évidence. Plus surprenant encore, ces panneaux clairs, tout à droite de l’image, se prolongent jusque sur le plateau lui-même. Il n’y aura donc plus la possibilité de faire le noir, même sur scène ? Alors de deux choses l’une : soit les concepteurs du théâtre ont fait une très grosse erreur de conception (mais j’ai du mal à y croire), soit l’image est délibérément mensongère. Mais pourquoi ? Pour taper dans l’œil des passants ?

Et le cinéma ?
C’est le visuel manquant : pas un mot ni une image sur le cinéma. Rien. Comme s’il n’existait plus. Et de fait, durant les travaux, il n’existe plus. Il y a évidemment une logique à cette absence : il ne fait pas partie du périmètre des travaux. C’est vrai. Mais dans ce cas, pourquoi est-il donc fermé ? Deux motifs ont été donnés à cela en conseil d’administration du théâtre :
- Il n’y a qu’un seul réseau électrique pour tout le bâtiment. Il aurait donc été impossible d’alimenter spécifiquement le cinéma en électricité durant les travaux. Ah bon ? On a bien du mal à y croire.
- Le hall étant fermé pendant les travaux (même s’il n’est pas directement concerné par la réfection), les toilettes seront de ce fait inaccessibles. Problème totalement insoluble là aussi ? On a à nouveau bien du mal à y croire…
Je me suis également laissé dire que la poussière des travaux voisins serait ingérable dans la salle de cinéma. Une chose est cependant sûre : la poussière générée depuis un an par l’absence de travaux n’aurait en rien été une gêne pour maintenir le cinéma ouvert. D’ailleurs, si vous passez de nuit, vous pourrez constater que derrière les palissades du chantier, les panneaux lumineux présentant les films sont toujours allumés…
Olivier Besson
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