Un plan de redressement budgétaire à côté de la plaque
L’augmentation continue de la dette (qui dépasse les 3000 milliard d’euros) et la hausse des déficits publics (plus de 5% du PIB) ne sont plus soutenables. Le paiement des intérêts de la dette est devenu le principal poste de dépense budgétaire de l’Etat au détriment des dépenses utiles pour notre pays (école, santé, innovation…). La montée des périls au niveau international impose enfin de renforcer nos dépenses militaires pour protéger notre modèle social et notre pays.
Malheureusement, le plan de “sang et de larme” proposé par le Premier Ministre ne constitue en aucun cas une réponse adaptée aux besoins de redressement de notre pays.
Il est brutal, il est injuste, il est mal calibré et il pénalise l’investissement public.
Il est brutal en imposant des mesures qui vont toucher nos concitoyens les plus fragiles (augmentation de la franchise médicale, suppression de 2 jours fériés, non revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu qui va conduire plus de 300 000 personnes à devenir imposables pour la première fois).
Il est injuste en impactant quasi exclusivement les classes populaires et moyennes et en épargnant les ménages les plus aisés qui ont pourtant déjà profité des baisses d’impôts depuis 2017.
Il est mal calibré en réduisant des dépenses publiques utiles pour l’avenir, en fragilisant encore plus nos concitoyens en longue maladie et en affichant des économies virtuelles via la suppression d’agences ou d’opérateurs de l’Etat, véritable marronnier de l’action publique mais jamais mis en œuvre en pratique.
Il pénalise enfin l’investissement public en imposant une ponction de plus de 5 mds d’euros sur les collectivités locales alors qu’elles assurent 70% de l’investissement public (hors dépenses militaires). L’impact pour notre commune sera de plusieurs centaines de milliers d’euros au minimum.
S’il n’existe évidemment pas de baguette magique pour redresser les comptes publics, un plan d’action digne de ce nom devrait respecter quelques grands principes
- une démarche pluriannuelle progressive et pas des mesures one shot comme le fait le premier ministre (année blanche sur la revalorisation des pensions, de l’évolution du barème des impôts);
- une démarche de justice sociale en faisant participer équitablement les ménages à forte contribution au lieu de faire reposer le financement du plan sur les seules classes populaires et moyennes ;
- un abandon des dépenses inutiles ou suscitant des effets d’aubaine (évolution du crédit impôt recherche qui permet aux entreprises de financer des dépenses immobilières courantes, réforme de l’apprentissage dont la privatisation en 2018 au profit des branches processionnelles a été un gouffre financier pour l’Etat) ;
- la sanctuarisation des dépenses utiles pour l’avenir : école, santé, soutien à l’innovation notamment dans les PME, infrastructures de transports collectifs…);
- l’arrêt des doublons entre l’Etat et les collectivités locales avec abandon par l’Etat de ses missions non régaliennes sur le territoire et clarification du rôle de chaque niveau de collectivité locale dans l’action publique (proximité pour les communes, social-solidarité pour les départements et développement économie-transport-éducation pour les régions).
Dans une démocratie mature, un tel plan de redressement financier devrait être discuté avec les différents partis politiques et avec les partenaires sociaux. Il devrait être expliqué clairement et de manière pédagogique à nos concitoyens afin de leur faire comprendre à la fois les menaces qui pèsent sur notre modèle social si on ne réagit pas et les différentes pistes envisageables pour engager le redressement financier de notre pays.
En présentant un plan conçu avec les seuls experts de Bercy et dont ni les hypothèses d’élaboration ni les solutions proposées ne sont discutables sauf à la marge, le Premier Ministre n’a pas été au rendez-vous qu’il s’était lui-même fixé avec le pays.
Gilles Mergy
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