19 avril 2024 | 19:00
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La gauche et la droite (le rouge et le bleu)

Suite à quelques discussions débutées, dans le cadre de la campagne municipale, à propos de ces deux notions considérées parfois comme caduques, vidées de leur sens aujourd’hui par un contexte bien différent de celui du 20e siècle, j’aimerais préciser ce que représente encore pour moi, et beaucoup d’autres, ce clivage.

J’ai (grâce à Sophia Aram) une définition très simple de ces deux termes : les gens de droite privilégient le mot « liberté » et ceux de gauche celui d’ « égalité », les uns comme les autres pouvant être de bonne foi, de bonne volonté, honnêtes et intelligents !

Pourquoi pas à la fois « liberté » et « égalité », demandera à juste titre l’homme honnête et fraternel (liberté-égalité-fraternité), qui pense qu’avoir les qualités susdites suffira à aller vers le meilleur des mondes possibles (selon Leibniz).

Bien sûr, les gens de gauche sont toujours restés, en Europe, attachés aux libertés individuelles : liberté d’expression, d’accès à la culture, aux déplacements… D’autre part ceux de droite admettent volontiers des restrictions à cette même liberté : censure de toute incitation à la haine raciale, limitations de vitesse automobile, respect des consignes de sécurité…

Tous acceptent de payer des impôts qui permettent à l’état de nous assurer  (jusqu’à présent) des services publics, un système de sécurité sociale qui offre aux plus pauvres les mêmes soins qu’aux riches. Le socialisme de l’entre deux guerres a permis également d’imposer aux entreprises les congés payés, dont personne ne se plaint je pense.

Personne ne se plaignait non plus en France du statut étatique de la SNCF ou de la poste, avant que cette dernière n’ait été privatisée.

Pas question donc d’invoquer contre le contrôle étatique les horreurs de l’Union Soviétique ou du régime chinois. Nous avons une autre histoire et d’autres modèles. Cela fonctionnait plutôt bien jusqu’en 1980, date après laquelle Donald Reagan et Margaret Thatcher se sont entendus pour réduire considérablement le contrôle des états sur la circulation des capitaux et la gestion de entreprises ; politique prolongée plus récemment par les traités de libre échange : TAFTA et l’accord avec le Canada.

S’ensuivent : l’accroissement avéré des inégalités, l’apparition des dettes publiques énormes et la réduction au rôle de fantoches bavards des gouvernants… il y a ainsi un côté sombre et même funeste de la mondialisation (comme il y a un côté obscur de la force) !

La structure européenne elle-même est impuissante face au pouvoir insensé des actionnaires, à leur liberté de réclamer toujours plus de dividendes, de démanteler des affaires qui marchent, de délocaliser. Il est clair alors qu’un fonctionnement plus écologique ne peut leur être imposé.

Ainsi donc, quand « liberté » veut dire « libéralisme économique » – on peut dire néo-libéralisme pour le distinguer de celui du 19e siècle – rien ne va plus.

C’est pourquoi je me dis « de gauche », indépendamment de toute appartenance à un parti.

Il faut bien reconnaître en effet que l’étiquette d’un parti ne veut plus dire grand chose aujourd’hui, sauf les extrêmes malheureusement, qui ne se rejoignent pas même s’ils sont tous anti « libéralisme économique ». Les partis socialistes traditionnels sont malheureusement partagés face à ce néo-libéralisme, trop installés dans leur confort matériel et le carriérisme (voire leur petit portefeuille d’actions), pour remettre en cause un système qui ne leur nuit pas encore.

Cette trêve ne durera pas ; il faudra agir et la naïveté bienveillante ne suffira plus, ni les bonnes intentions (dont l’enfer est pavé, disait ma grand-mère !).

Il faudra choisir son camp lorsque les services publics commenceront à se dégrader et que les migrants climatiques nous demanderons cependant d’en partager les restes avec eux, de leur rendre ce que nous leur avons pris autrefois ; lorsque nos canicules feront plus de morts que le Covid-19 …

Bon printemps à vous !

Christiane Vilain

4 RÉPONSES

  • Merci Christiane pour ton analyse.

    La devise complète qui s’inscrit aux frontons de nos mairies, est formée des trois mots
    « Liberté, égalité, fraternité ».

    Si certains peuvent être tentés de choisir un ordre de priorité pour des raisons partisanes, par facilité intellectuelle, ou par conviction profonde, le choix révolutionnaire de faire apparaître non-seulement liberté et égalité, mais aussi fraternité, ce choix donc nous oblige. Car le dernier pilier de notre devise, avec les deux premiers, et autant qu’eux, doit permettre d’assurer la stabilité de la « philosophie politique » de notre pays, qui a pu en éclairer d’autres.

    Je ne me lancerai pas dans une dissertation philosophico-historique sur le sujet. Je n’en ai pas la compétence et ne doute pas qu’il a été souvent traité par des gens brillants qui ont pu fournir de nombreux arguments historiques, philosophiques et politiques pour défendre telle ou telle thèse afin de le traiter.

    Je reviendrai brièvement ici sur la fraternité, non-pas au moyen d’une thèse mais par un seul exemple, quelque chose d’important pour toi Christiane comme pour moi, pour l’ensemble des colistiers d’ « un temps d’avance pour Fontenay » avec Gilles Mergy et pour les Fontenaisiens qui ont été amenés à se prononcer sur le programme que l’on a proposé et défendu – et qui le sera à nouveau dans des conditions encore inconnues (le second tour ou à nouveau deux tours à jouer).

    Aucun choix théorique, aucune conformité obligée à un ordre fixé de valeurs n’ont été opérés pour établir le programme de politique municipale qui a été proposé. On a fraternellement, librement et à égalité, discuté, avancé, proposé, mis au point un ensemble programmatique municipal, s’inspirant et intégrant de nombreuses idées émises par des Fontenaisiens au cours des ateliers.

    Est-ce de gauche, du centre ou de droite ? En tout cas, c’est fondamentalement démocratique. La fraternité, loin d’être oubliée, a joué tout son rôle dans l’élaboration du programme et y occupe une place essentielle.

    Pour finir, l’urgence à décider de politiques locales, nationales et transnationales qui intègrent les questions écologiques et essaient d’y répondre au mieux, à leur niveau, me donne envie de suggérer que l’on ajoute à notre devise le mot « écologie ». Ou « nature ».
    Il faudrait juste agrandir un peu les frontons des édifices publiques où la devise apparaît et refaire les en-têtes des papiers (recyclés) officiels.

  • Michèle Dorothée.

    Chère Madame Christiane Vilain,
    Merci pour votre article.
    On ne peut penser la liberté sans l’égalité, comme le montre très bien Etienne Balibar, qui a crée le concept d”éga-liberté”.
    La structure européenne actuelle est impuissante en effet, car elle fonctionne pour l’instant à partir des concepts de concurrence non faussée et de liberté sans entrave des échanges marchands. Il ne s’agit d’ailleurs pas de concepts politiques, mais de concepts économiques régissant l’économie du secteur privé. Il serait temps que l’Europe politique non concurrentielle se constitue. Est ce que cela se produira? Je ne lis pas dans le marc de café.
    Malheureusement, les services publics n’ont pas “commencé à se dégrader”, mais ils se dégradent depuis plusieurs décennies, voire disparaissent. Vous mentionnez vous même la SNCF et la Poste.
    La devise républicaine, comme le rappelle Mr Lhémery, intègre l’idée de fraternité, c’est-à-dire de démocratie des frères. Qu’en est-il des sœurs? C’est une question que posait en des termes différents Olympe de Gouges quand elle rédigeait en 1791 la “Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne” adressée d’ailleurs à la Reine. Olympe de Gouges était en effet restée fidèle à l’idée d’une monarchie constitutionnelle, ce qui l’a d’ailleurs conduite à la guillotine.
    Quoi qu’il en soit, merci pour ces échanges permis par notre blog, par le confinement et la crise sanitaire.
    Michèle Dorothée.

  • @Madame Dorothée.

    Bien entendu, fraternité est un mot genré. C’est un mot à prendre dans son contexte historique comme vous le savez, et vraisemblablement mieux que moi.

    Même si j’ai avancé l’idée de modifier notre devise en lui ajoutant “nature” ou “écologie”, ajouter sororité pourrait encore avoir du sens car les progrès réels en matière d’égalité femme-homme ne sont pas encore aboutis (vous plaideriez un convaincu à suggérer que l’on en fasse la mention explicite).
    Cependant, si l’on procédait à ce nouvel ajout c’est l’architecture même de nos édifices publics qu’il faudrait reprendre pour que, la devise nouvelle apparaisse entière dans toute sa splendeur.
    Je ne voulais par mon commentaire que rappeler par un exemple concret que le pilier fraternité était essentiel.

    Soyez certaine (rassurée s’il en était besoin) que les femmes de la liste “Un temps d’avance” ont été a priori confiantes et certainement vigilantes (on ne se connaissait pas tous au départ ; d’épouvantables machos auraient pu s’y cacher) à ce que “fraternité” et “sororité” aient toute leur part.
    Bon, c’est un homme qui l’écrit, peut-être bercé d’illusions quant au vécu réel des femmes en question. Si je devais être contredit par l’une d’elles, les colonnes du blog lui (ah, décidément, la langue française …) permettraient de l’exprimer.

  • Monsieur Lhémery,
    Vous avez tout à fait raison de souligner que le mot de fraternité est -comme tout vocable d’ailleurs- “à prendre dans un contexte historique”. C’était exactement le sens de ma remarque concernant Olympe de Gouges;.
    Toute langue évolue dans le temps. Cela pose, entre autres problèmes, celui de l’universalité et de la pérennité des concepts. Certes, celui d’écologie, apparu au XIXe siècle en langue allemande, est tout à fait fondamental et permet de mettre en lumière l’une des causes de la crise sanitaire actuelle
    Par ailleurs, je ne suis pas du tout persuadée qu’il soit nécessaire, pour être féministe, terme lui même historiquement récent, de “genrer” le vocabulaire des professions, des fonctions, et de la devise républicaine ou de pratiquer la difficile écriture inclusive.
    En tout cas, soyez assuré que l’idée de mettre en cause la liste “Un temps d’avance pour Fontenay” ne m’a pas effleuré l’esprit.
    Michèle Dorothée.

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