1 juillet 2025 | 18:10
Vous etes ici:  / Libre opinion / Des pistes pour la participation citoyenne réelle à la vie politique locale.

Des pistes pour la participation citoyenne réelle à la vie politique locale.

Lors des municipales 2020, de nombreuses listes dites citoyennes et participatives sont apparues partout en France. Leur but : impliquer les habitants dans les décisions locales, pas seulement au moment du vote. Même si ces listes sont très différentes les unes des autres, elles partagent une même volonté de faire vivre une démocratie plus directe et locale, en mêlant représentation et participation.

Même si changer la manière de faire de la politique et mieux associer les citoyens fait aujourd’hui largement consensus, à Fontenay-aux-Roses, il n’existe pas encore d’expérience politique participative comme celles déjà expérimentées ailleurs.  Pour améliorer la situation de Fontenay, l’analyse des démarches engagées depuis 2020 me semble instructive : leurs réussites, leurs limites, mais aussi les pièges à éviter, comme la participation citoyenne réduite à un simple argument de communication, ou à l’inverse des objectifs trop ambitieux pour être réalistes.

Il faut aussi tenir compte du contexte politique, qui a beaucoup évolué entre 2020 et 2025.

Partout, en France comme à l’international, les forces populistes et autoritaires gagnent du terrain, souvent en contournant les formes classiques de débat public. À Fontenay, par exemple, on voit apparaître des tentatives de manipulation de l’opinion publique avec l’apparition d’une association[1], subventionnée et discrètement soutenue par un milliardaire proche de l’extrême droite, qui s’installe dans le paysage local. Cela montre à quel point une vigilance démocratique est nécessaire. Dans ce climat incertain, il est plus que jamais important de défendre, au niveau local, des pratiques politiques ouvertes, honnêtes et vraiment partagées. Dans un moment où la démocratie est fragilisée, ces expériences qui se déroulent depuis 2020 dans certaines communes montrent que la réinvention démocratique est possible et pleine de promesses pour 2026.

Il est également crucial de souligner que de nombreuses réponses à la crise écologique devront être trouvées localement. L’échelle municipale est celle du quotidien : c’est là qu’on peut repenser nos usages, préserver nos ressources, relocaliser l’alimentation ou l’énergie, et construire des solidarités concrètes. Travailler dès maintenant à ces transformations locales doit devenir une priorité centrale pour les années à venir.

Pour alimenter le débat à ce sujet j’ai voulu partager deux lectures récentes que j’ai résumées ci-dessous :

  • l’article Listes citoyennes publié [Bachir, 2022] qui permet de bien définir les listes participatives et le contexte de leur apparition en 2020 ;
  • le très détaillé rapport Prendre le pouvoir pour le partager : Expériences et apprentissage des communes participatives 2020-2026  [Elisabeth Dau et al. 2025] qui analyse les expériences en cours depuis 2020. Ce rapport est publié par la coopérative ‘fréquence commune’, société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) au service des élus et des habitants qui souhaitent réinventer la vie locale. Il constitue une mine d’information considérable sur le sujet de la participation citoyenne réelle à la vie politique locale.

Les articles synthétisés ci-dessous permettent de mieux appréhender les multiples facettes de la transformation démocratique locale : fonctionnement des conseils municipaux, participation citoyenne, nouvelles manières de coopérer avec les services, dépatriarcalisation du pouvoir, démocratisation de l’intercommunalité, articulation entre dynamiques citoyennes et partis politiques… Elles révèlent aussi les limites actuelles : manque de cadre légal, de temps, de moyens, résistances au changement…

Elles esquissent les contours d’une démocratie plus directe, plus ancrée dans les territoires. Mais 2026 n’est pas 2020. La situation s’est aggravée : face à la montée des populismes, une véritable urgence démocratique s’impose. Dans ce contexte, il devient crucial que les citoyens engagés et les partis soucieux de faire vivre la démocratie locale unissent leurs forces. Ensemble, ils peuvent œuvrer à la transformation écologique de Fontenay et faire de notre ville un lieu plus juste, solidaire et démocratique.

Définition et essor des listes participatives en 2020 [Bachir, 2022]

Les listes citoyennes et participatives (LCP) sont apparues dans un contexte de méfiance croissante envers les politiques traditionnels, notamment après des mouvements comme les Gilets jaunes, Nuit Debout ou les ZAD. Beaucoup de citoyens ne se sentent plus représentés et veulent reprendre la main sur la politique locale. Ces listes dénoncent un système politique jugé trop fermé, trop professionnel, et pas assez à l’écoute. Elles mettent en avant des valeurs comme l’égalité dans le pouvoir de décision, la participation directe, et une démocratie plus inclusive. L’idée, c’est que des gens « normaux », sans carrière politique, puissent s’impliquer et agir concrètement pour leur commune. Même si ce phénomène semble nouveau, il a des précédents : la liste « 100 % Motivé-e-s » à Toulouse en 2001, Saillans en 2014, ou encore d’autres villes pionnières comme Grenoble. À l’international aussi, des mouvements comme Barcelona en Comú ont inspiré ce type d’engagement local.

Les élections municipales de 2020 ont marqué un changement important : un peu partout en France, des listes citoyennes et participatives ont émergé. En 2014, on en comptait à peine une dizaine. En 2020, elles étaient entre 600 et 800 selon les sources. Ce phénomène est difficile à quantifier précisément, car ces listes ne rentrent pas dans les cases administratives habituelles. Elles se déclarent souvent elles-mêmes « citoyennes » ou « participatives », sans cadre officiel. Mais ce qui est certain, c’est qu’elles ont fleuri dans tous les coins du pays : grandes villes comme Marseille ou Nantes, communes moyennes comme Albi ou Poitiers, et même petits villages. Ce succès est aussi lié à une dynamique numérique : des plateformes collaboratives, des cartographies en ligne, des réseaux militants ont permis à ces listes de se faire connaître, d’échanger des pratiques, et de construire ensemble une autre manière de faire de la politique. Mais toutes ces listes ne se ressemblent pas. Certaines sont proches de partis politiques, d’autres totalement indépendantes. Certaines ont été lancées de manière spontanée, d’autres sont le fruit d’un travail de longue haleine. Les méthodes varient aussi dans la façon de choisir les candidats ou d’écrire le programme. Ce qui les relie, c’est souvent une volonté commune : remettre les habitants au cœur des décisions, et défendre des priorités comme la démocratie locale, la justice sociale et la transition écologique.

Trois types de listes citoyennes : du faux nez politique aux vraies alternatives locales

Quand on regarde de près les LCP qui ont émergé un peu partout lors des municipales de 2020, on peut les classer en trois grandes familles :

Le “citizen washing” : quand partis et anciens élus se déguisent en citoyens

Certaines listes dites « citoyennes » sont en réalité des montages électoraux faits par des partis politiques ou des anciens élus. Elles s’affichent sans étiquette pour paraître plus neutres ou “proches du peuple”, mais c’est souvent une manière stratégique de masquer leur appartenance partisane. Des partis, qui avaient peu d’ancrage local, ont notamment utilisé ce type de listes. L’aspect participatif est très faible et ne se traduit pas dans l’exercice du pouvoir, les candidats sont souvent désignés sans grande transparence ni consultation.

L’hybridation : quand les partis et les citoyens cohabitent

D’autres listes assument leur identité politique, mais cherchent à s’ouvrir à des citoyens et des citoyennes « non encartés » (sans carte de parti). Elles mélangent militants et personnes issues de la société civile. La sélection se fait parfois via des processus assez élaborés (auditions, votes en ligne, tirages au sort), mais les partis gardent la main. C’est souvent le cas dans des alliances de gauche. Ce modèle permet un certain renouvellement, notamment avec des profils issus des quartiers populaires, mais le risque est alors que le pouvoir reste pour l’essentiel dans les mains des partis traditionnels. Ce qui peut alors renforcer le désinvestissement des citoyens dans la politique.

Les vraies listes citoyennes : une autre façon de faire de la politique

Enfin, il existe des listes totalement portées par des collectifs locaux : associations, habitants mobilisés, groupes militants. Ces listes se préparent longtemps en amont, en dehors des partis, des élus, et restent actives même après les élections. Elles se distinguent par leurs méthodes innovantes : programme écrit avec les habitants, candidats tirés au sort ou désignés collectivement, décisions prises au consensus. On parle ici d’un nouveau municipalisme à la française, qui mêle engagement écologique, démocratie directe et justice sociale.

Même si ces vraies listes citoyennes n’ont gagné que dans une soixantaine de communes, elles inspirent un véritable renouveau démocratique local. Leur force : remettre les habitants au cœur des décisions, sans passer par les appareils partisans classiques. Elles sont encore minoritaires, mais leur influence grandit, notamment grâce à des réseaux comme Actions Communes, qui cartographient et rassemblent ces expériences un peu partout en France

Apprentissages et expériences des communes participatives 2020-2026 [Elisabeth Dau et al. 2025]

Si seules une soixantaine ont remporté leur mairie – de petits villages (quelques centaines d’habitants) à des villes comme Poitiers (90 000 habitants), ces communes participativesdeviennent des laboratoires vivants d’un nouveau rapport au pouvoir, plus collectif, plus transparent. Nées en réaction à la défiance envers les partis traditionnels et à la crise de représentativité, elles cherchent à faire de la politique autrement. Même là où elles n’ont pas gagné, des collectifs restent actifs, agissant comme contre-pouvoirs citoyens ou comme forces de transformation locale. Dans un contexte marqué par la montée des extrêmes et la tentation autoritaire, ces initiatives montrent qu’une autre voie est possible, plus proche, plus horizontale, plus à l’écoute.

Démocratie interne

Dans les communes participatives, les élus mettent en pratique leurs idées : partage du pouvoir, gouvernance collective, décisions horizontales. Inspirés par des modèles comme la sociocratie, ils expérimentent de nouvelles règles plus équitables, impliquant aussi les habitants. Pour rester fidèles à leurs engagements de transparence et de participation, beaucoup ont aussi créé des instances de veille démocratique, ouvertes au public. Mais dans les faits, le quotidien de la gestion municipale, souvent rythmé par les urgences, rend difficile de dégager du temps pour ces espaces de recul et de débat.

Redonner du pouvoir de décision aux habitants

Les communes participatives essayent de redonner du pouvoir aux habitants, bien au-delà du simple vote. Elles ouvrent les décisions municipales au public, renouvellent les conseils citoyens, testent des assemblées tirées au sort et valorisent la parole de tous ; y compris des personnes souvent exclues : jeunes, précaires, personnes racisées, en situation de handicap, etc. Au cœur de leur démarche : une volonté forte de co-construire les politiques publiques avec les habitants, les services municipaux, les élus, mais aussi avec la société civile organisée (associations, collectifs, syndicats, etc.). Portées en grande partie par des élus novices en politique, ces communes ont apporté un souffle nouveau, plus proche du terrain et des préoccupations citoyennes. Mais ce manque d’expérience a parfois freiné la mise en œuvre concrète de leurs ambitions, d’autant que ces démarches, exigeantes en temps et en moyens, se heurtent à de nombreux obstacles : cadre légal rigide, faibles ressources des communes, et crises successives : sanitaires, économiques, écologiques.

Etendre la démocratie jusque dans les services

Dans les communes participatives, les agents municipaux, même s’ils ne sont pas élus, ont été associés aux décisions pour mieux adapter les politiques publiques aux réalités du terrain. Cette collaboration vise plus de transparence, d’écoute et d’efficacité. Mais elle a parfois bousculé les habitudes : les nouveaux élus, souvent novices, ont introduit un fonctionnement plus horizontal, qui a heurté les pratiques hiérarchiques traditionnelles. Cela a pu créer des tensions, des retards ou une surcharge de travail. Dans certains cas, des changements de personnel ont été nécessaires. Cependant, cette nouvelle manière de travailler a aussi redonné du sens à la mission de nombreux agents et attiré de nouveaux profils.

Reprendre la main localement pour faire face aux crises

Dans un contexte de crise écologique, de tensions économiques et de restrictions budgétaires, certaines communes participatives cherchent à reprendre le contrôle sur des ressources essentielles comme l’eau, l’alimentation, l’énergie, les terres agricoles ou les forêts. L’objectif : protéger ces biens communs, en garantir l’accès à toutes et tous, réduire les coûts, soutenir l’économie locale, et mieux faire face au changement climatique. Ces initiatives sont portées à la fois par les élus et par des habitants mobilisés. Elles reposent sur des démarches collectives et démocratiques, en ouvrant les décisions à la population et en soutenant aussi les actions citoyennes en dehors de la mairie. Ces expériences locales cherchent à inventer d’autres manières de faire ensemble, de décider ensemble et de préserver l’autonomie des territoires. Face aux arbitrages difficiles que les communes doivent faire, comme fermer une cantine ou un centre social faute de moyens, certaines municipalités choisissent de ne pas décider seules. Elles expérimentent des méthodes de décision partagée, pour que les choix douloureux soient discutés collectivement. Ces dynamiques montrent que, même à petite échelle, il est possible de résister, d’innover, et de construire une autre manière de gérer les ressources et les services publics, en mettant l’humain, l’environnement et la démocratie au cœur des priorités.

Féministiser la politique ou comment dépatriarcaliser le pouvoir pour mieux le partager

Les LCP ont permis l’élection de profils plus jeunes, plus divers et souvent sans expérience politique. Elles ont aussi renforcé la place des femmes parmi les candidats, les élus et même les maires. Mais il ne suffit pas d’avoir plus de femmes en politique pour que les choses changent réellement. Il s’agit aussi de transformer la manière de faire de la politique, c’est créer des conditions où toutes et tous peuvent vraiment participer, en luttant contre les inégalités et les discriminations. D’une part, les communes participatives expérimentent des pratiques plus coopératives et horizontales, et attentives aux rapports de pouvoir, de domination et d’oppression qui empêchent une réelle participation démocratique. D’autre part, elles défendent des politiques féministes qui répondent concrètement aux besoins des femmes et des personnes minorisées, et qui visent à réduire les inégalités pour toutes et tous au niveau de la commune. Il s’agit donc à la fois de changer les pratiques pour une pratique plus inclusive de la politique, et porter des politiques publiques plus justes et plus solidaires. Prendre soin du collectif devient alors un vrai choix politique.

Le casse-tête des partis politiques

Les listes citoyennes ont apporté une nouvelle offre politique en 2020, plus ouverte et inclusive. Certaines ont fait alliance avec des partis proches, sans toujours anticiper les conséquences. Dans les grandes villes, les partis ont parfois utilisé ces alliances pour renforcer leur influence, sans réel engagement pour le renouveau démocratique. Cela a parfois fragilisé les dynamiques citoyennes, surtout lors de moments clés comme le choix des candidats. Ces expériences montrent l’importance, pour les futures listes, d’être lucides face aux partis et de bien cadrer les conditions d’une coopération.

L’épreuve de l’intercommunalité

Lors des municipales de 2020, l’intercommunalité, pourtant essentielle pour des domaines comme l’eau, les déchets, l’urbanisme ou les transports, a été peu abordée, même par les listes citoyennes. Ces dernières ont vite constaté que cette échelle de gouvernance reste opaque, technocratique et éloignée des citoyens. Pour les communes participatives, c’est un vrai défi de vouloir démocratiser l’intercommunalité, souvent dominée par les maires ou les grandes villes. Certaines tentent de changer les règles du jeu : elles rendent visibles les désaccords, portent des projets participatifs à cette échelle et politisent des choix souvent réduits aux aspects techniques.

Conclusion : Vers des communes refuges pour tenir les digues

Les communes sont les lieux clé de la cohésion sociale et de la vie démocratique du quotidien. Face à la montée de l’extrême droite, des discours de haine, et au recul des droits, les communes participatives choisissent la démocratie plutôt que la violence, l’accueil plutôt que le rejet. Elles reconnaissent aussi que la société civile est de plus en plus menacée et assument leur rôle de bouclier démocratique en défendant les libertés associatives même face aux entraves préfectorales ou judiciaires. Elles inventent aussi de nouveaux formats d’interpellation citoyenne entre pétition et référendum local. Car pour sortir du cycle répression–mépris–violence, il faut créer des espaces d’expression et de débat. Mais cette volonté de faire vivre une démocratie plus ouverte se heurte elle aussi à des intimidations et des freins structurels. En cherchant à expérimenter des formes démocratiques plus inclusives, les communes participatives déplacent le pouvoir vers les habitants, ce qui dérange. Elles ont fait preuve de créativité, dépassant les logiques de simple gestion pour inventer d’autres manières de gouverner, y compris dans des petites communes. Elles prouvent que la démocratie locale peut être un terrain vivant d’expérimentation.

Cécile Mallet
Citoyenne engagée au sein du collectif Mieux Vivre Fontenay

Bachir, M. (2022). Listes citoyennes. In G. Petit, L. Blondiaux, I. Casillo, J.-M. Fourniau, G. Gourgues, S. Hayat, R. Lefebvre, S. Rui, S. Wojcik, & J. Zetlaoui-Léger (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (2ème édition). GIS Démocratie et Participation.

Elisabeth Dau, Cléa Fache, Léa Legras (2025). Prendre le pouvoir pour le partager : Expériences et apprentissage des communes participatives 2020-2026 . Rapport pubilé par Fréquence commune la coopérative des communes participatives.


[1] L’association « Réseau des Parents » a récemment mené deux interventions à Fontenay-aux-Roses, visant à offrir des conseils éducatifs aux parents. Le financement de l’association par le « Fonds du Bien Commun » est une initiative de Pierre-Édouard Stérin, connu pour ses liens avec l’extrême droite. Pour plus d’information (https://mieuxvivrefontenay.fr/2025/04/14/le-reseau-des-parents-et-le-fonds-du-bien-commun-une-influence-ideologique-qui-pose-question/) et plus récemment le communiqué Intersyndical Académie de Versailles (https://sudeducation92.ouvaton.org/spip.php?article3153)

LAISSER UN COMMENTAIRE

Votre email ne sera pas publié. Les champs obligatoires sont précisés ( obligatoire )